mercredi 8 mars 2017

Sortez cover


Par Hong Kong Fou-Fou


Avant de céder aux sirènes de la technologie et de passer à la version électronique que vous connaissez et, j'ose l'espérer, appréciez, les rédacteurs de Fury Magazine, frais émoulus des plus brillantes écoles de journalisme, en ont produit une version papier, de 1953 à 1964. Aujourd'hui, les "frais émoulus" sont plutôt rassis et moulus, nous avons beau essorer nos cerveaux fatigués, il n'y a plus trop d'idées neuves qui en sortent. C'est peut-être le moment de nous pencher sur la jeunesse de Fury et de ressortir de nos archives quelques couvertures, grâce auxquelles vous pourrez constater qu'il y a 50 ans on avait encore beaucoup de choses à dire.


Mars 1962. Les accords d'Evian. HKFF en vient presque à regretter le régime de Vichy. Pardon, l'eau est gazeuse, et la vanne, vaseuse. Pour le prix de la meilleure plaisanterie, je vais encore faire Saint-Yorre. Je ne serai pas Hépar-gné par les grincheux. Bref, pour oublier tout ça, un numéro plein de "guns, food, cars, fun, fashion". Ben dis donc, vaste programme. Avec aussi une nouvelle inédite de Ian Fleming. Grosse dispute à la rédaction pour savoir qui ira en Jamaïque, à sa villa de Goldeneye, chercher les précieux feuillets dactylographiés. Y a pas à dire, on a perdu quelque chose avec les emails. "Masochist : a tale of strange love", un article basé sur la relation particulière entre Wally Gator et l'élève Moinet. HKFF écrit "Men in love with danger and death" après qu'Oddjob lui ait demandé une augmentation.



Mai 1962. On pend Adolf Eichmann en Israël. A la liste des crimes odieux qu'il a commis pendant la guerre, le misérable ajoute le manque de goût en se rendant à son exécution en pantoufles à carreaux... Heureusement, Fury est là pour défendre l'élégance et remettre les pendus à l'heure, en parlant cette fois-ci de la mode dans les boudoirs. Cet article, on le colle à Wally, en lui faisant croire qu'il doit parler des gâteaux secs qu'on met dans les charlottes. En découvrant l'arnaque, il boudera longtemps. Quant à Moinet, il se fend d'un article sur les aphrodisiaques, sans réaliser que les plus puissants d'entre eux, ce sont ses écrits. Prose et Prozac. Et bien sûr, toujours des voitures, des armes, des voyages. La nourriture a disparu, par contre. Le lobby des hot dogs est moins puissant que celui des flingues.
Par contre, lecteur de 2017, inutile de composer le numéro de Jane, il n'est plus bon, on n'a pas son 06 et elle a 75 ans.



Janvier 1963. Le général De Gaulle refuse que le Royaume-Uni entre dans le Marché Commun. Il veut sans doute protéger ses yéyés contre les groupes de R'n'B anglais qui déferlent sur le monde. Oddjob propose de faire un article sur le Katanga. Pour le calmer, HKFF l'envoie passer des vacances "for men only" dans les Caraïbes avec Getcarter. Ce dernier en ramènera des valises de 45t de ska jamaïcain, qu'il vendra à vil prix à son rédac' chef. L'élève Moinet continue sa thérapie en étudiant le complexe de Casanova. Quant à "l'affaire des corps cannés", HKFF la trouve un peu raide. "On se dépouille comme on peut pour donner corps au magazine" lui répond un Barbidule ivre mort.



Avril 1963. Le dictateur haïtien Duvalier fait massacrer des dizaines de ses opposants. En représailles, HKFF lui résilie son abonnement à Fury. Non mais attend, il ne faut pas pousser, quand même. Quand on peut influer sur la situation mondiale, on ne va pas se priver. "Il faudra bien qu'il Macoute", se dit-il. "Operation Big Timber" est un article consacré au look des bûcherons dans une petite bourgade du Montana. D'aucuns y voient le manifeste fondateur du mouvement hipster. Ah ben merde. Désolé. On devrait toujours réfléchir à la portée de ses actes. Sinon, HKFF livre dans "Promise them anything" ses méthodes pour diriger la rédaction. Et ça fonctionne. La preuve, plus de 50 ans après, Fury Magazine est toujours là !

jeudi 2 mars 2017

F2 Ferrovipathie

Par Hong Kong Fou Fou



La perspective d'une suite à Trainspotting, c'est un peu comme l'annonce d'une renaissance de Fury Magazine : un fol espoir, une indicible joie anticipative, mais en même temps une appréhension certaine. Est-ce que ça va toujours être bien ? Est-ce que ça ne va pas virer ringard ? Est-ce que ça ne va pas tomber dans la facilité et la caricature ?
Faisant fi de ce que les critiques pouvaient bien en raconter, l'élève Moinet, Oddjob et votre serviteur, ticket à tarif réduit en main, nous étions au rendez-vous le jour de sa sortie. Première déception : la salle était aux deux tiers vide. Où étaient les gens ?
1h57 plus tard, nous nous retrouvions sur le trottoir pour une petite séance de débriefing. L'élève Moinet n'a pas été emballé. Il a baillé. Il a regardé sa montre. Il aurait sans doute préféré rester sur son canapé devant OM-Monaco (3-4, quand même). Oddjob et moi-même, par contre, avions le même sourire béat qu'un gamin qui s'aperçoit que sa voisine fait du bronzage intégral sur sa terrasse. A la question "La suite des (més)aventures de ces junkies écossais vaut-elle le déplacement ?", la réponse est à 66% : "Oui, indubitablement". Pour ma part, j'ai même envie de crier : "Bis, Scots !" Mais mon amour du jeu de mots douteux y est sans doute pour quelque chose.
Donc, bonne nouvelle, le retour des quatre non pas de Liverpool mais d'Edimbourg est plus réussi que celui des Bronzés il y a quelques années. La comparaison est hasardeuse, certes. Remarquez, il y a du Jean-Claude Dusse dans le personnage de Begbie. Mais un Jean-Claude Dusse à qui on aurait inoculé un peu de l'agressivité d'un pitbull. Ou d'un Wally Gator, tiens.
Je ne vais pas vous raconter l'histoire en détails pour ne pas gâcher (désolé de faire de la résistance mais je suis allergique au terme "spoiler") le plaisir des onze personnes qui liront cet article. En gros, Begbie est toujours à l'hôtel des gros verrous, Spud accro à l'héroïne, Sick Boy fait chanter des notables en utilisant les charmes de Veronika, une prostituée débarquée d'un quelconque pays de l'Est. Elle est Bulgare, je crois. Oui c'est ça évidemment, Bulgare de l'Est. Tout ce beau monde pourrait tranquillement continuer à perdre sa vie si ne débarquait un jour des Pays-Bas le dernier de la bande, Renton. Lassé de voir des marins qui meurent plein de bière et de drames aux premières lueurs dans le port d'Amsterdam, il s'est dit "Tiens, je vais aller voir si l'herbe est plus verte, ou plutôt l'eau plus bleue, dans le port de Leith". Forcément, suite aux événements racontés dans "Trainspotting", son retour 20 ans après crée certains remous. Et pas que dans le port.
Je ne vous cache pas que je suis bon public : on me met un morceau des Clash dans la b.o., des survêts Adidas vintage, quelques images d'archives de Georges Best, on me montre des types rougeauds qui vident des pintes, et je suis heureux. Mais honnêtement, le film est bien. En tout cas, aussi bien que peut l'être la suite d'un film culte qui a marqué une génération. Moins déroutant et percutant que le "vrai", bien sûr, moins glauque, aussi. Danny Boyle n'essaie pas de se répéter, il montre d'une façon crédible ce qu'auraient pu devenir les personnages du premier film. En sortant de la salle, on a l'impression d'avoir retrouvé des copains perdus de vue depuis longtemps. Même si des copains comme ceux-là, je n'en voudrais pas, les miens sont suffisamment gratinés, merci. De toutes façons, les histoires d'amitié, ça marche toujours sur moi. A la fin de "Trainspotting", Renton a trahi ses amis (un peu comme l'élève Moinet quand il est parti écrire des chroniques pour BD Gest'). Dans cette suite il essaie de se racheter (un peu comme Moinet qui... Ah ben non, lui ne l'a pas encore fait). Comme je suis rentré chez moi à pied (il faudrait que j'arrête de lire Sylvain Tesson), j'ai eu tout le loisir de penser à ma propre existence, mon évolution, celle de mes amis, depuis 1996. Une petite introspection tout à fait salutaire.
La mauvaise nouvelle, quand même, c'est que la bande originale est un peu décevante. En deçà de l'"autre" en tout cas, qui convoquait la fine fleur de la Brit pop des années 90.
L'autre mauvaise nouvelle, mais le film n'y est pas pour grand chose, c'est qu'en VO, on ne comprend rien. Et ça m'inquiète un peu parce que je vais en Ecosse aux prochaines vacances. Non mais c'est quoi cet accent ? On croirait entendre des touristes berrichons en vacances en Angleterre. Pour sortir encore plus du sujet de cet article mais tant pis, je suis tellement content : je vais y voir Lloyd Cole en concert, qui va jouer tous ses vieux trucs, "Rattlesnakes" en tête. La nostalgie, encore.

Nous terminons avec un petit jeu. 20 ans séparent les deux photos ci-dessous, qui montrent les principaux protagonistes du film. Mais les petits coquins se sont déplacés. A l'aide d'un feutre, effaçable de préférence, amusez-vous à relier les personnages d'hier à ceux d'aujourd'hui.