Par Hong Kong Fou-Fou
Avant de céder aux sirènes de la technologie et de passer à la version électronique que vous connaissez et, j'ose l'espérer, appréciez, les rédacteurs de Fury Magazine, frais émoulus des plus brillantes écoles de journalisme, en ont produit une version papier, de 1953 à 1964. Aujourd'hui, les "frais émoulus" sont plutôt rassis et moulus, nous avons beau essorer nos cerveaux fatigués, il n'y a plus trop d'idées neuves qui en sortent. C'est peut-être le moment de nous pencher sur la jeunesse de Fury et de ressortir de nos archives quelques couvertures, grâce auxquelles vous pourrez constater qu'il y a 50 ans on avait encore beaucoup de choses à dire.
Mars 1962. Les accords d'Evian. HKFF en vient presque à regretter le régime de Vichy. Pardon, l'eau est gazeuse, et la vanne, vaseuse. Pour le prix de la meilleure plaisanterie, je vais encore faire Saint-Yorre. Je ne serai pas Hépar-gné par les grincheux. Bref, pour oublier tout ça, un numéro plein de "guns, food, cars, fun, fashion". Ben dis donc, vaste programme. Avec aussi une nouvelle inédite de Ian Fleming. Grosse dispute à la rédaction pour savoir qui ira en Jamaïque, à sa villa de Goldeneye, chercher les précieux feuillets dactylographiés. Y a pas à dire, on a perdu quelque chose avec les emails. "Masochist : a tale of strange love", un article basé sur la relation particulière entre Wally Gator et l'élève Moinet. HKFF écrit "Men in love with danger and death" après qu'Oddjob lui ait demandé une augmentation.
Mai 1962. On pend Adolf Eichmann en Israël. A la liste des crimes odieux qu'il a commis pendant la guerre, le misérable ajoute le manque de goût en se rendant à son exécution en pantoufles à carreaux... Heureusement, Fury est là pour défendre l'élégance et remettre les pendus à l'heure, en parlant cette fois-ci de la mode dans les boudoirs. Cet article, on le colle à Wally, en lui faisant croire qu'il doit parler des gâteaux secs qu'on met dans les charlottes. En découvrant l'arnaque, il boudera longtemps. Quant à Moinet, il se fend d'un article sur les aphrodisiaques, sans réaliser que les plus puissants d'entre eux, ce sont ses écrits. Prose et Prozac. Et bien sûr, toujours des voitures, des armes, des voyages. La nourriture a disparu, par contre. Le lobby des hot dogs est moins puissant que celui des flingues.
Par contre, lecteur de 2017, inutile de composer le numéro de Jane, il n'est plus bon, on n'a pas son 06 et elle a 75 ans.
Janvier 1963. Le général De Gaulle refuse que le Royaume-Uni entre dans le Marché Commun. Il veut sans doute protéger ses yéyés contre les groupes de R'n'B anglais qui déferlent sur le monde. Oddjob propose de faire un article sur le Katanga. Pour le calmer, HKFF l'envoie passer des vacances "for men only" dans les Caraïbes avec Getcarter. Ce dernier en ramènera des valises de 45t de ska jamaïcain, qu'il vendra à vil prix à son rédac' chef. L'élève Moinet continue sa thérapie en étudiant le complexe de Casanova. Quant à "l'affaire des corps cannés", HKFF la trouve un peu raide. "On se dépouille comme on peut pour donner corps au magazine" lui répond un Barbidule ivre mort.
Avril 1963. Le dictateur haïtien Duvalier fait massacrer des dizaines de ses opposants. En représailles, HKFF lui résilie son abonnement à Fury. Non mais attend, il ne faut pas pousser, quand même. Quand on peut influer sur la situation mondiale, on ne va pas se priver. "Il faudra bien qu'il Macoute", se dit-il. "Operation Big Timber" est un article consacré au look des bûcherons dans une petite bourgade du Montana. D'aucuns y voient le manifeste fondateur du mouvement hipster. Ah ben merde. Désolé. On devrait toujours réfléchir à la portée de ses actes. Sinon, HKFF livre dans "Promise them anything" ses méthodes pour diriger la rédaction. Et ça fonctionne. La preuve, plus de 50 ans après, Fury Magazine est toujours là !
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