Vous nous avez
crus morts ! Enterrés, Fury Magazine et ses réacs ronchons à la
noix !
Certains nous
pleuraient. D’autres, beaucoup d’autres, ont dû s’en féliciter. Les Colins
Froids, les Bougistes, les Pressés, les Pédants, les Carriéristes… tous
trinquaient à notre perte !
Même nous,
nous nous sommes vus morts, enfermés entre quatre planches, enfouis six pieds
sous terre. Fauchés par la Modernité, cette vieille garce boursoufflée au
botox, ayant élevé sa vulgarité de parvenue au titre de pensée universelle.
Car, oui, la
résistance au mauvais goût, aux modes, aux tendances, aux gadgets, au buzz, à
la hype… c’est loin d’être de tout repos, croyez-nous ! Au quotidien, on
perd souvent pied, on se sent submergé jour après jour par une médiocrité sans
cesse plus affligeante…
Mais, comme
disait l’autre, ce qui ne tue pas rend plus fort. Alors c’est décidé, nous nous
remettons en marche ! Oui, enfin, c’est une façon de parler bien sûr. Nous,
la marche, nous ne la concevons qu’avec sacs-à-dos, knickers en velours et
couteau suisse, hein ! Le costard étriqué de l’affairiste, très peu pour
nous.
Du coup, tenez,
de l’élégance et du style, on va vous en donner.
Oubliez vos
classiques, les sentiers battus, les archives réchauffées.
Prenez un
Irlandais pur jus. Grand, blond, sec, visage émacié. Ni playboy frelaté, ni
garçon d’écurie. Plutôt, le genre "belle gueule", bagarreur et
buveur. Anarchiste à la mode anglo-saxonne, c’est-à-dire qu’il n’a pas oublié
au vestiaire d’être aussi un fieffé conservateur, et fervent soutien (qu’il ne
cacha pas) à la cause de l’IRA.
Lui, c’est
devant la caméra qu’il exprimera son mauvais caractère ! C’est ainsi que Richard
Harris aura l’occasion de marquer les esprits cinéphiles dès l’une de ses
premières apparitions, en 1961. Quelques lignes de dialogues, au début de The Guns Of Navarone. Quelques phrases
pour dire sa résignation, en tant que pilote de la R.A.F., à obéir malgré tout,
parce qu’il en va de son devoir d’officier. Et ce visage, fatigué mais digne.
Un personnage et une allure de vieux cocker, d’aristocrate déchu, dont il ne
se départira plus tout au long de sa longue carrière.
1965, coup double: The Heroes Of Telemark et Major Dundee. Dans le premier, Anthony
Mann lui offre le rôle d’un chef de la résistance norvégienne. La belle Ulla
Jocobsson, ce sera pour les bras de Kirk Douglas. Au menu pour Harris, lui,
l’action, la vraie : sabotage, Sten, peau de phoque et surtout la tenue
mythique de skieur scandinave.
Avec Peckinpah et Major Dundee, on
atteint un stade supérieur. Le face à face de deux officiers, l’un ayant
rejoint le camp nordiste (Charlton Heston) et l’autre, resté fidèle à la
rébellion confédérée (Richard Harris), confrontés dans une guerre, si peu
civile, mais véritablement de civilisation ! Alliés de circonstance afin
de délivrer des enfants des griffes d’Apaches, au-delà du Rio Grande, dans le
Mexique de Maximilien, occupé par les troupes françaises… Très riche scénario
faussement classique mais brillamment tragique et rôle grandiose pour Harris,
plume blanche sur le couvre chef et spencer façon hussard. Il n’en faudra pas
plus à la séduisante Senta Berger pour succomber au charme sudiste du Capitaine
Tyreen. La dernière scène, la splendide charge de cavalerie – rescapés
nordistes et sudistes face aux lanciers de l’empereur – verra Harris sauver le
drapeau honnis des Yankees, avant de charger une dernière fois, sabre au clair,
en authentique southern gentleman !
Puis vinrent
les 70’s, véritable âge d’or de sa filmographie. Avec en prélude dès 1969, le
mythique A Man Called Horse, où
comment un aristocrate anglais déchu parviendra au prix du sang à devenir un authentique
guerrier sioux. Dans la même veine, deux ans plus tard, on le retrouvera trappeur
dans Man In Wilderness (Le Convoi Sauvage), de
Richard C. Sarafian, à la fois western panthéiste et survival, tragique récit d’une vengeance, violent et sec !
Richard Lester
le fera tourner à deux reprises durant cette même décennie. Tout d’abord, dans Juggernaut (Terreur sur le Britannic), à
la belle distribution made in England
(Ian Holm, Freddie Francis, David Hemmings et Anthony Hopkins), il compose le fantasque et sarcastique officier-démineur,
Fallon, réussissant à déjouer une bombe à bord d’un paquebot de luxe en pleine
Mer du Nord. C’est, certes, filmé comme une bonne vieille série anglaise de la
même époque, mais c’est surtout garanti 100 % pull marin, pipe, whisky et
trench !
Il interprétera
ensuite le roi d’Angleterre, Richard Cœur de Lion, dans le mélancolique et
émouvant Robin And Marian (La Rose et
La Flèche), aux côtés de Sean Connery et d’Audrey Hepburn.
En compagnie
de Charlotte Rampling, il sera à l’affiche du sous-estimé, et surtout mal-aimé,
Orca, trop souvent considéré comme un
sous-Jaws, alors que les scènes
d’affrontement avec l’orque en question n’ont pas à rougir de la comparaison…
Enfin, la
période se clôture sur un magnifique baroud d’honneur avec The Wild Geese (Les Oies Sauvages, clin d’œil aux fameux
mercenaires irlandais au service du Saint Empire, pendant la guerre de Trente
Ans !) sous la direction de l’honorable artisan Andrew V. McLaglen. Film
de mercenaires typique de cette époque qui ne fait pas oublier les canons du
genre, certes, mais qui offre à Harris le meilleur rôle du film, en ex-officier
retiré des affaires et tendre papa poule célibataire. La partition de Roy Budd
y est des plus efficaces, avec la touche nostalgique bienvenue dans ce genre
d’aventure. Et une fois encore, tout comme dans Major Dundee, Harris ne se départira pas de sons sens du sacrifice…
Après un
passage à vide durant les 80’s, c’est au tournant de la décennie suivante, que
Clint Eastwood lui confie sans doute son dernier grand rôle, celui d’English
Bob, dans Unforgiven. Vieux tireur à
gage élégant, flanqué de son propre biographe et figure démodée dans un Far
West qui a troqué la violence de la conquête pour celle de la soi-disante
civilisation.
Enfin, sa
carrière s’achève dans la peau du professeur Dumbledore, vieux sage et grand
manitou de Poudlard, dans les deux premiers épisodes de H.P.
Mais
n’oublions pas qu’on lui doit d’être passé une unique fois derrière la caméra
avec en 1971 Bloomfield. Aux côtés de
Romy Schneider, il y campe un joueur international de football qui doit choisir
entre sa passion du ballon rond et sa vie conjugale… (N’ayant pas eu le loisir
de visionner le film, je ne pourrai vous en dire plus. Mais je compte bien sur
mon collègue Getcarter pour m’en dégoter une belle copie !)
Enfin, ce modeste (et sélectif) tour d’horizon ne
saurait être complet sans rappeler que notre homme toucha également, à la
chanson (façon Scott Walker), et de fort belle manière : tout en
mélancolie et lyrisme flamboyant. Bref, à son image !
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